Didjla le tigre
Jean-Pierre Faye
« Elle lui a dit avec un mouvement de la main : Il fallait faire ça. Il fallait, jusqu’au dernier.
Ou plutôt maintenant elle disait : Il aurait fallu vraiment le faire. Les tuer tous jusqu’au dernier. Pendant qu’on pouvait.
Il remarquait que ses cheveux lavés se gonflaient dans le vent de savane. Il demandait : Ils les ont tués vraiment. Est-ce que c’est sûr ?
Lioube lui touchait le bras : Tu le sais qu’ils n’ont rien fait.
Lui enchaîne : En les tuant ils en faisaient tant d’autres.
Le bois noir des cheveux bougé avec le vent s’est gonflé comme un instrument de musique.
Il lui disait tout bas : il vaut mieux ne pas être sanguinaire dans les paroles quand on est tellement douce dans la peau.
Et il l’avait soudain rapprochée et serrée sur soi, puis il avait ouvert les bras et l’avait laissée s’échapper. Elle avait fait glisser ses épaules en se dégageant, pour descendre vers la citerne d’eau fraîche.
D’en haut il la voit, devenue un fragment racontant dans le paysage. »
D’un côté, un des fleuves d’Amérique latine et indienne, Tigré, d’où surgissent les cris étouffés des martyrs des dictatures. De l’autre côté, le fleuve tumulte nommé par les Arabes Didjla le terrible, d’où s’échappe le chaos bosniaque. Géographie d’amour et de meurtre où Jean-Pierre Faye trace un récit voyageur entre la sensualité la plus dangereusement étouffante des corps désirants et l’envie du sang et des corps mutilés.
Écrit en 1994, ce roman est réédité avec un DVD de lecture complète du texte par Bérangère Bonvoisin, ainsi qu’un film où la comédienne interroge l’écrivain à la recherche de Lioube et de Nizâm.
148 pages
Prix : 21 euros
ISBN : 979-10-93176-01-7
Parution : juin 2014